Le serpent.
Un dragon peut avoir des ailes membraneuses, des ailes d’oiseau ou, comme les dragons chinois, le pouvoir de voler par la seule force de son esprit. Il peut avoir des cornes, un bec pointu ou une gueule de crocodile, des pattes de lion, d’aigle ou pas de pattes du tout. Le seul point commun aux représentations anciennes, c’est son corps de serpent.
Le serpent est un symbole universel qu’on retrouve dans les mythologies, les rites et les cultures des cinq continents. D’après l’anthropologue Jeremy Narby, il serait de loin l’animal le plus souvent vu dans les transes chamaniques, quelle que soit la tradition. (Cf le serpent cosmique, l’ADN et les origines du savoir).
Le serpent symbolise la vie dans ce qu’elle a de plus indomptable.
Comme la vie, le serpent se faufile sur tous les terrains: sous terre, dans l’eau, dans les herbes, dans les arbres, dans les déserts de sable… ajoutez lui seulement des ailes ou un quelconque moyen de voler, et il peut aller partout où va la vie.
Le serpent est aussi capable de muer, d’abandonner sa vieille peau pour prendre un nouveau départ, comme le fait la vie d’une génération à l’autre.
Quand il devient l’Ouroboros ou le serpent de Midgaard, il peut entourer le monde en se mordant la queue, toujours comme la vie qui a envahi toute la planète en se dévorant elle-même. _Jeremy Narby, toujours lui, remarque dans son bouquin que la forme de double serpent multicolore enlacé ou de double liane est assez commune dans les représentations picturales des visions de consommateurs d’Ayahuasca. Il remarque une analogie entre la forme de ces serpents et celle de l’ADN, et entre leur couleur chatoyante et les biophotons.
La mécanique de base décrite dans le bouquin serait en (très très) gros que le mélange ayahuasca/chacruna (le premier ne servant qu’à éviter l’élimination de la DMT contenu dans le deuxième), à la suite d’une longue préparation dont je ne parlerai bien sûr pas ici mais qui comprend, surtout pour les occidentaux, une longue cure de désintox pour éliminer toute les cochonneries qu’on a dans le corps, aurait entre autre pour effet de stimuler les cellules cérébrales au point que leurs émissions de biophotons deviendraient suffisantes pour être perçues par les cellules photosensibles du cerveau, et on verrait des serpents colorés. Le truc, c’est qu’une hypothèse à la mode, qui n’est rien de plus qu’une hypothèse pour le moment, serait que le biophoton serve de moyen de communication intercellulaires. Du coup, les plus mystiques comme Narby affirment carrément que, sous la forme du serpent, l’ADN communique avec nous.
Oui, c’est très capillotracté mais ça n’a pas besoin d’être vrai pour expliquer le rôle traditionnel de professeur ou de gardien de la connaissance des serpents géants, ailés ou non, et des dragons. Si une transe chamanique, quelle que soit la méthode, te met le cerveau en ébullition et te fait voir des serpents chatoyants qui, à ce moment là paraissent parfaitement réels tout en te donnant l’impression réelle ou illusoire de comprendre un tas de trucs importants sur la vie, tu vas te dire que c’est le serpent qui te les a appris.
Serpent à pattes
Impossible de dater avec certitude le premier dragon mythologique, mais l’histoire remonte au moins à 3500 ans avant JC avec la figure qu’on appelle aujourd’hui « serpopard » : un mix de serpent et de léopard, d’où le nom. D’après l’article wikipédia, il pourrait s’agir simplement d’une lionne au long cou sans aucun rapport avec le serpent. Mais en Mésopotamie, on a une bébète plus tardive à la forme très proche appelée Mushushu (ajoutez des accents circonflexes sur les S) dont le nom signifie serpent/dragon rouge. Le choix des « ingrédients » dans les animaux composites a toujours une signification symbolique. (Dans la mythologie j’entends ; parce que dans les jeux vidéos, les jeux de rôle et la fantasy bas de gamme, on peut choisir de mettre un peu de ci et un peu de ça sans que ça veuille rien dire, juste parce que ça fait classe.)
Typiquement, on aura des animaux représentant chacun un territoire bien précis, généralement un « étage » (sous terrain, terrestre, aquatique et aérien), l’animal composite représentant une énergie commune à ces étages ou passant de l’un à l’autre.
On utilise souvent un serpent pour le sous sol, un félin ou un cheval pour la terre et un quelconque zosiau pour le ciel. Notre griffon chéri par exemple, est un mélange de lion terrestre et d’aigle céleste. C’est la raison pour laquelle il a servi, entre autre, dans les rites funéraires à symboliser le passage de la vie terrestre à la montée au ciel. C’est gai hein?
Mushushu est un mélange du serpent souterrain et du lion terrestre en rouge vif. Il symbolise une puissance sauvage et furieuse qui vient du sous sol et afflue à la surface. En se mettant à la place d’un paysan de l’époque, il pourrait représenter l’énergie de la vie.
Les Vahana
Dans la même veine, on peut faire un petit détour par l’inde et observer les montures des dieux, dont certains sont des animaux composites.
Le Vahana pour les dieux hindous, c’est un peu comme l’animal qui apparaît en fond d’écran derrière les héros dans « Les chevaliers du zodiaque »… Plus sérieusement, il représente certains aspects du dieu et augmente sa puissance. Ce que je trouve le plus intéressant, c’est que certains de ces Vahana et des dieux qui leurs correspondent sont représentés dans les chakras du yoga tantrique, comme pour indiquer la nature de l’énergie qu’on est censé y trouver.
Parmi les Vahana, mon petit préféré est le Makara, un animal composite avec un corps de poisson (pur aquatique), une tête de crocodile (amphibie) et une trompe d’éléphant (pur terrestre). C’est la monture de la déesse du Gange et de Varuna, dieu des océans. On le retrouve dans le chakra Svadhisthana, littéralement le » lieu du vrai soi », environ 4 cm sous le nombril. C’est le chakra lié aux gonades, à la sensualité, à la sexualité et à la créativité.
Sus aux dragons!
Les dragons et les serpents géants n’ont pas toujours bonne presse. En particulier en Europe, depuis l’époque de la Grèce archaïque. Comme s’il y avait eu un gros virage culturel quelque part et que l’image du serpent était passée d’un coup de symbole de professeur et d’énergie sauvage et chtonienne à dompter à celle de gros méchant mal à zigouiller.
Rien que dans la mythologie Grecque, on peut citer:
Zeus contre Typhon, le titan à forme de double serpent.
Apollon contre Python
Persée contre Méduse.
Persée encore contre le serpent de mer.
Argos contre Echidna
Héraclès bébé étranglant deux boas dans son berceau.
Héraclès adulte contre l’hydre de Lerne.
Là où ça devient cocasse, c’est que l’hydre est un parfait copier coller du nâga Indien et que ce seul exemple suffit à illustrer la différence entre le point de vue asiatique et le point de vue européen d’héritage gréco-latin sur les grands serpents, les dragons etc.
Alors je ne peux pas le dire trop crûment ici mais je vous laisse deviner quel genre d’énergie peut être représentée par une créature aquatique tenant du serpent et de l’anguille, qui vient des profondeurs insondables et qui monte, qui monte, qui a plusieurs têtes, donc plusieurs visages, qui se manifeste sous plusieurs formes (pour le naga, un nombre pair pour les femelles et impair pour les mâles, d’où une forme assez explicite) et qui, lorsqu’une tête est coupée, en fait repousser deux (en gros quand cette énergie est bloquée dans un sens, elle trouve d’autres formes où se manifester.)
Vous avez pigé.
La seule différence, c’est le rôle qu’on lui donne. Le nâga est un symbole globalement positif qui fertilise, féconde et rend vigoureux. Il est bien opposé à des créatures célestes, les Garuda (oiseaux géants ou homme-oiseaux selon la version) mais ils sont réconciliables en Vishnou, le dieu ordonnateur qui est représenté sur un serpent au mille tête ET avec un Garuda, symbolisant l’harmonie et la maîtrise du haut et du bas.
L’hydre, elle, est purement maléfique et doit se faire zigouiller par un héros, tête par tête et cautérisée au feu pour pas que ça repousse.
Je veux bien admettre que les peuples ont les croyances qui les rendent efficace en un temps donné et que, à un moment de l’histoire, si les dragons et les hydres sont devenu des symboles malfaisants, c’est qu’il était efficace qu’ils le deviennent.
Maintenant, ce qui est vrai pour les peuples est vrai pour les individus. Moi, j’ai choisi mon camp. Je me dis que quand on fait de ses passions des ennemis, on est encore dans une passion.
Une réflexion sur « Dragons, serpents géants et animaux composites »