A la poursuite des Slans, un grand classique de la SF paru en 1940, reprend le thème du surhomme avec une tite variante, la même que celle d’Anne Rice pour les vampires: le livre est écrit du point de vue d’un héros Slan, et la victoire du Slan sur le sapiens est montré comme quelque chose de souhaitable, même pour le sapiens. Il y a cinquante quatre ans, entre le Horla et à la poursuite des Slans, peut-être le temps qu’il faut pour digérer les éléments de réalité qui pesaient sur l’estomac de Maupassant et de ses contemporains, et voir apparaître un mec comme Van Vogt: pragmatique, matérialiste, désabusé et quand même optimiste. C’est comme si avant le 19ème, on était optimiste et fier d’être humain pour de mauvaises raisons, qu’on s’en était rendu compte avec Darwin et qu’après un moment de désespoir, on pouvait se relever pour en chercher des bonnes, en tout cas des meilleures.
Sans trop s’apesantir sur Van Vogt (je le ferai sur un autre article, ça me démange trop), disons qu’il a exploré le thème du surhomme sous toute les facettes. Même moi qui l’aime tant, je dois admettre qu’il se répète beaucoup et que ses livres tournent souvent autour des mêmes personnages type et des mêmes thèmes. Le héros est toujours un intellectuel et souvent le porte étendard d’une philosophie ou d’une science particulière. Il est aussi assez souvent, bien sûr, un surhomme. Les antagonistes, en bons antagonistes de héros qui se respectent, sont souvent despotiques, cruels et injustes, mais ce qui les rend vraiment flippant et qui est un peu la marque de fabrique de Van Vogt, c’est qu’ils sont persuadés du contraire. Ce sont leurs idéologies rigides et manichéennes, leur système de pensée archaïque et leur autoritarisme aveugle qui en font des bourreaux, et le héros finit par les battre pour la même raison que le Horla bat l’homme: Il est capable de le comprendre, et pas le contraire. Le Slan a peut être un cerveau un peu plus performant que l’humain, mais ce qui le rend vraiment plus malin, plus compréhensif et plus compatissant, ce sont ses petites cornes qui lui permettent de comprendre naturellement les sentiments et les pensées des autres.
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Le Slan n’est pas immatériel: extérieurement, c’est juste un humain avec des petites cornes sur le front qui le rendent télépathe, mais qu’il doit planquer sous ses cheveux pour pas se faire griller (les humains cherchent à les exterminer pour rester l’espèce dominante). Il arrive en pleine période de régression de la civilisation humaine. Des gouvernements incompétents ont laissé s’installer une misère matérielle et surtout intellectuelle. Les gens du peuple sont redevenus ce que deviennent généralement les humains en l’absence de culture: mesquins, haineux, xénophobes, obtus et superstitieux. Un des personnages de l’élite n’hésite pas à parler de « populace » et, en voyant que le mot choc, il insiste: « Parfaitement, la populace! C’est ce que nous les avons laissé devenir.
L’éducation, en particulier la formation de l’esprit à réfléchir avec pertinence, c’est un autre thème récurrent de Van Vogt. Dans certains de ses livres, le surhomme du futur c’est juste un mec ordinaire avec une éducation plus efficace. Le monde de non-A en est le meilleur exemple.