Les monstres sacrés, l’anticipation: Le Horla

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Quand on vous dit Maupassant, ça vous fait pas penser au lycée et à des cours de français chiants? Moi aussi. Des fois, je me dis que les cours de français sont faits pour nous dégoûter de lire les auteurs qu’on nous présente.

Sans vouloir vous gonfler avec des biographies à rallonge, ce qui faut retenir de Maupassant est surtout qu’il a été malade comme un chien quasiment toute sa carrière. En gros, il a attrapé la syphillis vers 27 ans et ça l’a bouffé jusqu’à l’os, physiquement et mentalement. Nietzsche disait dans la généalogie de la morale, en parlant de Wagner, que l’artiste était juste le terreau, et quelque fois le fumier sur lequel fleurissait son œuvre. Je sais pas si c’est vrai pour toute les formes d’art, mais on peut citer une pétée d’artistes dont le talent consistait à partir de leur fumier pour y faire fleurir quelque chose de beau. En vrac, la honte de Kafka, le deuil d’Anne Rice, la déprime de Baudelaire évidemment, les angoisses de Lovecraft, l’amour coupable de Lewis Carol et la syphilis de Maupassant. Evidemment, ça demande de pouvoir regarder son fumier en face et de le reconnaître pour ce qu’il est, pour faire toujours la différence entre les fleurs du fumier et le fumier lui même. Faute de quoi, on trouve des auteurs qui confondent directement leur fumier avec du talent et, souvent, avec de l’engagement idéologique: le virilisme bourrin de John Norman, la haine des hommes de Bradley, le masochisme de Rousseau sur le tard ,les problèmes familiaux de Freud…

Pour en revenir au sujet, le fumier du Horla, c’est la maladie de Maupassant et en particulier les cauchemars et les accès de folie dont il a souffert. C’est un fantastique au compte-goutte. On a un narrateur personnage qui explique les choses de son point de vue, à la première personne. Du coup, à aucun moment il n’est prouvé que l’élément fantastique, le Horla, existe vraiment. Toute l’histoire pourrait n’être que l’hallucination d’un malade mental. D’ailleurs, une autre version de l’histoire est titrée « Lettres d’un fou ». Le Horla intervient par pichenettes. Il manipule l’esprit et un tout petit peu la matière, juste ce qu’il faut: une page tournée d’une main invisible, un verre vidé etc. Ce n’est pas une âme immatérielle, comme un fantôme. On ne sait pas trop de quoi il est fait, mais d’une substance trop subtile pour être perçue par les sens humains. Il est l’étape suivante de la subtilité là où l’homme, capable d’une certaine subtilité mentale, est encore constitué d’une chair grossière. Parce qu’on ne peut pas plus comprendre le Horla qu’un bœuf ne peut comprendre un humain, il est destiné à faire de nous ce que nous avons fait du bœuf.

Finalement, c’est une façon très belle et assez réaliste de voir la loi du plus fort. Le plus fort, c’est celui qui comprend les autres et que les autres ne comprennent pas. Dans une campagne, un bon boss de fin a pas besoin d’avoir beaucoup de fric, beaucoup de muscles, beaucoup de pouvoir ou de larbins, il a juste besoin de piger les autres et que les autres ne le pigent pas. Toute la force du Jocker dans Dark Knight repose là dessus. En plus, ça permet de coller une grosse partie enquête dans le jeu, ça fait toujours plaisir.

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