Qu’est-ce que le « MacGuffin » ?
Le concept du MacGuffin a été inventé ou, au moins, conceptualisé par Alfred Hitchcock. Le maitre du suspense en personne qui théorise un concept, l’argument d’autorité n’est pas loin pour dire qu’il s’agit certainement d’un concept indispensable en jeu de rôle !
La définition du Chambers Dictionnary le définit ainsi : « Le MacGuffin détermine (ou donne prétexte à) l’action et se révèle d’une importance capitale pour les personnages principaux mais demeure largement ignoré par le spectateur ou le lecteur. »
Expliqué autrement, il s’agit d’un élément servant de moteur à l’histoire, mais n’ayant aucune importance réelle pour le déroulement de celle-ci.
Le MacGuffin est important pour les personnages, mais tellement peu important pour l’histoire elle-même qu’il disparaît très rapidement de l’esprit des lecteurs/spectateurs… ou des joueurs en jeu de rôle.
Utilité et exemples de MacGuffin en jeu de rôle
Nous avons tous joué, ou fait joué, des scénarios dans lequel un MacGuffin était utilisé. Il s’agit d’un moyen de narration que nous utilisons déjà.
Le MacGuffin permet de créer une dynamique, une quête, un objectif initial pour amener l’histoire… Une fois celle-ci lancée, le MacGuffin disparait naturellement de la narration, celle-ci mettant en valeurs les péripéties « concrètes » des personnages plutôt que leur objectif « abstrait ».
L’exemple le plus classique ?
« Sauver la princesse kidnappée par le dragon » dans Donjons et dragons. Qu’importe la princesse, sa beauté, son caractère, sa vie… Qu’importe même son statut de princesse et le fait qu’il s’agisse d’un être humain. La princesse est le prétexte.
Elle sera enfermée dans un donjon, hors de la vue des Personnages-Joueurs (PJs), durant la quasi-intégralité du scénario. Il est même possible que celui-ci s’arrête pour les joueurs à la défaite du dragon et que ceux-ci ne se rappellent de l’existence de l’enlevée qu’au moment de la conclusion narrée par le conteur.
Dans Ladies, le MacGuffin pourrait être l’arrivée probable d’inquisiteurs en ville, cette arrivée perturbant les citoyens de celle-ci, chacun ferait ce qui lui semble nécessaire pour se protéger, qu’il s’agisse de fuir, cacher des documents importants, effectuer une pression politique sur les responsables locaux ou dénoncer des suspects… Ces éléments créeraient des péripéties dont les joueurs seraient les héros involontaires.
Le groupe inquisitorial, au final, n’arriverait en ville qu’en fin du scénario, lorsque chacun aura réussi ou non ses manœuvres politiques et sociales.
Un autre MacGuffin serait des documents scientifiques ou politiques volés. Qu’importe par la suite où sont ces morceaux de papiers, ce qu’ils contiennent réellement : ils sont recherchés par des hommes d’affaire, des ecclésiastiques et des nobles de tous pays.
Les différentes factions vont exercées des pressions sur les unes et les autres, se menacer, s’allier, créer des péripéties dans lesquelles les joueurs se retrouveront mêles.
Enfin, l’entité maléfique dont parlent les sorcières lors des sabbats (celle qui pourrait provoquer de grandes catastrophes si l’on ne récupère pas rapidement une touffe de poils de yéti, trois yeux de crapauds et l’aile gauche d’une chauve-souris albinos) n’est rien d’autre qu’un MacGuffin si elle n’est pas libérée et que les joueurs ne la rencontrent jamais directement au cours de l’aventure…
Mais alors, le MacGuffin est dans toutes les histoires !
Évidemment que non.
Il existe des histoires sans MacGuffin. Celui-ci doit être le plus abstrait possible au sein de la narration même.
Prenons le scénario Naufragées ! du kit d’initiation, inspiré (très) librement de Robinson Crusoé ; le naufrage est l’élément déclencheur des péripéties. Il est réel et les joueurs participent à l’évacuation du navire.
Il n’est en rien un MacGuffin : même s’il joue le même rôle, son existence est concrète au sein du récit.
Comment se servir du MacGuffin ?
Je vous entends déjà poser la question : « Si nous l’utilisons déjà, à quoi cela nous sert-il d’en savoir plus sur le MacGuffin ? ». Tout simplement car il y a une différence entre « comprendre un schéma narratif » et « répéter un modèle par mimétisme ».
La compréhension du MacGuffin permet de s’améliorer en tant que meneur, ainsi qu’en tant que joueur, en améliorant ses techniques narratives.
Par définition, celui-ci sert à introduire l’histoire et à déclencher les péripéties.
Et n’est-ce pas justement l’introduction de l’histoire qui fait le plus souvent peur aux jeunes meneurs ? Il s’agit de la partie la plus dure à gérer : il faut bâtir, à partir de personnages différents, tout juste créés par des joueurs qui ne se sont peut-être pas concertés, un esprit de groupe dans le but de créer une histoire cohérente. Et, si l’on veut inclure du suspense auprès de ces joueurs, il faut que leur attention soit captée le plus tôt possible.
Le MacGuffin peut être la solution !
Étant donné qu’il n’apparaitra jamais directement, qu’il est et reste uniquement un justificatif au début de l’histoire, sa construction en sera simplifiée.
Inutile de rentrer dans les détails, inutile de pousser la cohérence à son extrême. Le MacGuffin se passe de longues explications. Il est. Et cela suffit.
Une fois le MacGuffin créé, il suffira de mettre les joueurs face à ce problème pour que l’histoire s’enchaîne…
Des antagonistes arriveront, soit à la recherche de ce MacGuffin, soit pour nuire aux personnages dans cette recherche. Les péripéties se lancent, les antagonistes apparaissent grâce à lui, le scénario est lancé…
Merci Monsieur Hitchcock !
Nous vous recommandons le visionnage des films du célèbre réalisateur, particulièrement La Mort aux trousses, afin de mieux appréhender ce concept.