Conférences « être un meilleur MJ » et « le héros »

A la convention du troll penché de l’UTBM, à la roselière de Montbéliard, le 6 et 7 janvier, l’équipe Ladies a participé aux conférences suivantes :

« être un meilleur meneur de jeu », par Vincent Henry

 

« le héros », par Cyril Benoit, en coanimation avec Céline, de « Génération écriture ».

Le son n’est pas très bon car il y avait des tables de JDR à côté…

Quelques informations sur la convention du Troll penché ici :

Comment et pourquoi le meneur doit assumer ses lancers de dés

Il existe des systèmes de jeu de rôle sans hasard. Ladies, comme de nombreux jeux, a fait le choix d’incorporer celui-ci dans son système de résolution.
Le titre parle des dés, mais cet article concerne aussi les autres formes permettant d’incorporer des probabilités au sein de l’histoire.

Pourquoi le hasard a-t-il été incorporé ?
Les auteurs du jeu ont fait le choix que leur système devait incorporer une part de hasard. Ce choix n’est certainement pas innocent.
Derrière celui-ci il existe une philosophie qui se répercute sur l’univers, un élément intrinsèque qu’il serait difficile de renier sans renier une part de l’univers.
Le meneur est libre de modifier l’univers s’il le juge pertinent car il créé une intrigue à destination d’un public de joueurs. Comme tout metteur en scène, il peut se permettre d’omettre des règles, de les détourner… Mais cela fait partie du processus préalable à la création elle-même.
Si l’on refuse le hasard, c’est à ce moment là qu’il faut poser cette règle.
Une fois autorisée, la (mal)chance fait partie du contrat implicite – les règles du jeu définies en début de partie – entre joueurs et meneurs.

Quand faire appel au hasard, par rapport à mon histoire ?

Une fois que l’on accepte d’incorporer le hasard, la question se pose de « quand » l’utiliser. La réponse que je donne ici est un argument d’autorité.
« Vous faites appel à celui-ci quand le résultat d’une action vous est inconnu ».

Évidemment, ce dogme est contestable. Mais demandez-vous, lorsque vous désirez l’enfreindre « pourquoi l’enfreindre ? ».

Quand faire appel au hasard, par rapport à mes joueurs ?

Les joueurs doivent cependant rester maîtres de leurs personnages. Qu’importe si l’action tentée n’a qu’une chance sur mille, une chance sur dix mille, de réussir… si l’idée est dangereuse, elle est quand même proposée. Il faut la jouer (sauf si elle est incohérente avec le personnage, auquel cas le meneur peut parler avec son joueur pour savoir son personnage tente réellement cette action).
L’échec assuré n’est pas une bonne solution. Si le joueur veut tenter, qu’il essaie… Des fois, la chance est du bon côté… et un rebondissement inattendu permet alors de créer de nouvelles pistes narratives.
N’oubliez pas que nous sommes dans un jeu de rôle, l’aspect ludique est aussi important que l’aspect narratif… Vos joueurs sont aussi là pour celui-ci.

Quand lancer les dés ?

Lancer les dés (ou tirer une carte, piocher un jeton, etc.) n’est pas un acte anodin. Il fait partie de la vie autour de la table. Le moment où l’on lance les dés implique une modification du paradigme dans lequel les personnages évoluent.
Lancer les dés est toujours un point de tension narrative (aussi minime soit-il).

Il existe deux raisons de lancer les dés. La première, nous l’avons vu, est de résoudre un point litigieux dans l’évolution de l’histoire ; la seconde raison essaye d’imiter la première sans en apporter les conséquences.

En lançant (ou faisant lancer) les dés, on créé la même tension : les joueurs ignorent que le hasard est « simulé » : pour eux, la situation nécessite une résolution, il y a donc suspense.
Une veillée nocturne dans un vieux manoir ? Faites lancer les dés sur des attributs Oeil même s’il n’y a rien à voir. Bien que le résultat soit défini à l’avance, les joueurs (et leurs personnages) doivent rester dans l’ignorance.

Ce procédé, « faire du bruit derrière le paravent », est utile pour créer une tension. Mais en l’utilisant trop copieusement, il perd de sa puissance ludique.

Les deux cas sont strictement distincts : le premier veut résoudre une situation et correspond à un objectif narratif, le second n’a aucun but résolutif et assure un objectif ludique. Savoir dans quelle situation l’on se trouve est une condition préalable au lancer de dé.

Mon résultat ne me plaît pas !

Bien qu’il ne plaise pas, ce résultat est celui que vous avez obtenu pour résoudre la situation que vous ne saviez pas résoudre. Vous entendrez souvent des meneurs dire alors : « Je le modifie pour rester dans mon scénario » en se donnant raison à l’aide d’un dogme : « Le meneur a toujours raison ».
C’est mal comprendre, à mon sens, ce postulat.

« Le meneur a toujours raison » implique aussi et surtout qu’il a raison face à lui-même. Au moment où il se dit « Mon résultat ne me plaît pas », il devrait aussi se dire : « Au moment où j’ai lancé les dés, je pensais avoir raison. Je ne peux plus me contredire. »

Mais… et si le résultat est vraiment gênant ?

Posez-vous alors la question de « Pourquoi ai-je lancé les dés ? ».
La réponse vous permettra d’améliorer votre technique en tant que maître du jeu pour ne plus vous retrouver dans cette situation (ou moins fréquemment, du moins) et elle vous permettra aussi et surtout de ne pas « tricher » en relançant les dés et de renforcer ainsi votre statut d’arbitre neutre et de metteur en scène intangible. L’influence que vous exercez sur le jeu est réelle, mais plus vous donnez l’impression que les joueurs ont le contrôle, plus ils seront pris dans la partie. En « trichant », vous supprimez une partie de ce contrôle.

La raison principale est déjà de croire être dans la première situation (narrative) alors qu’il n’est que dans la simulation (ludique) : l’événement devait arriver, la forte probabilité de réussite motivait le lancer… et l’échec improbable déstabilise. En réalité, il fallait jouer cet élément comme une simulation ludique : le lancer n’a aucune importance narrative, il est là pour créer une situation de stress.

Très souvent aussi, il ne s’est pas posé la bonne question lorsqu’il lance les dés. Le problème de la réussite ou de l’échec d’une action couvre la très grande majorité des cas. Cette répétition de tests similaire donne l’impression qu’il s’agit du seul test possible.
Pourtant, est-ce réellement le cas ?

Le test d’échec/réussite implique soit un échec, soit une réussite de l’action. Les à-cotés sont des bonus éventuels. Et si…
Et si, au final, ce n’était pas cela le problème ? Celui d’avoir tellement l’habitude de poser les questions en terme de réussite et d’échec que l’on oublie les à-cotés ?

Le grand méchant doit fuir la scène devant les personnages. Le meneur décide de lancer les dés. Il décide qu’il s’agit d’une situation narrative et non d’une situation ludique… et là, c’est le drame, l’échec !

Tout d’abord, on pourrait se poser la question de pourquoi le lancer est considéré comme narratif et non comme ludique par le meneur.
Cette scène semble importante pour l’histoire, c’est un nœud de l’intrigue. La traiter uniquement comme une scène ludique et non narrative pourrait lui faire perdre de son impact.
Pourtant, de l’autre côté, l’antagoniste doit réussir sa fuite pour la suite de l’histoire – du moins le jugez-vous ainsi. L’échec n’est alors pas tolérable.

La question, en réalité, n’est plus « Est-ce que le méchant s’enfuit ? » mais « Dans quelle mesure réussit-il sa fuite ? » ou « Réussit-il une fuite remarquable ? »
L’échec ne devient plus l’échec de l’action en elle-même mais la plus petite réussite possible.

L’échelle classique « échec critique / échec / réussite / réussite critique » continue d’exister sur cette seconde question ; mais sur la première, elle subit une transformation sémantique vers « réussite minable / réussite passable / réussite / réussite extraordinaire ». Cette qualité peut impacter différents aspects : la beauté de l’action en elle-même (« Il tombe dans les escaliers, se relève en sang et crache deux dents avant de disparaître » / « Il glisse le long de la rampe, saute sur le lustre et profite de l’élan pour sauter au travers de la fenêtre »); de la répercussion sociale de celle-ci (« Toute la ville ricanera de cette fuite honteuse » / « Sa fuite théâtrale fait la une des journaux. La honte s’abat sur la police ») ou encore de la rapidité de l’action (« Durant sa fuite éperdue d’un étage à l’autre, d’une cachette à l’autre, les fausses pistes lui font perdre la notion du temps… Quoi déjà la nuit ? » / « D’instinct, il savait où aller. L’eût-il voulu, il n’aurait pu sortir plus vite de ce labyrinthe. Sa journée ne faisait que commencer ! »).

Comme vous le voyez, les façons de prendre en compte un résultat du hasard, même (et surtout) défavorable existent. Elles vous forceront même à détailler une réussite automatique d’un événement pour la rendre plus profonde, plus réelle.

D’autant plus que l’aspect « c’est comme cela, et c’est non-négociable » a tendance à déconnecter le joueur de son immersion. En changeant un lancer de dés, vous quittez le dialogue univers/personnage pour rentrer dans un dialogue meneur/joueur. En changeant la question a-priori (ou si nécessaire a posteriori), vous évitez une telle situation de rupture d’immersion et vous vous permettez même, en prime, d’améliorer celle-ci. Alors pourquoi se priver ?

Que retirer de cela ?

Savoir exactement quand, comment et pourquoi faire appel au hasard permet au meneur de mieux remplir ses fonctions narratives et d’assurer son statut de metteur en scène détaché du plateau de jeu.
Respecter les dés, quand le jeu implique du hasard, c’est se forcer à améliorer ses techniques de maîtrise… Les joueurs ne verront peut-être pas la différence sur une ou deux parties, mais sur le long terme, cette capacité à savoir comment gérer la tension liée aux dés deviendra un outil puissant à votre service.

Amener un « Fusil de Tchekhov » en Jeu de Rôle

L’écrivain russe Anton Tchekhov aurait affirmé, selon les Mémoires de S.Shchukin, que « si dans le premier acte vous indiquez qu’un fusil est accroché au mur, alors il doit absolument être utilisé quelque part dans le deuxième ou le troisième acte. Si personne n’est destiné à s’en servir, il n’a aucune raison d’être placé là. »

Le concept appelé fusil de Tchekhov est l’ensemble de deux méthodes dramaturgiques dénommées préparation et paiement.

La préparation est l’apparition première, anodine, d’un objet, d’une personne, d’un élément, qui sera réutilisé par la suite. Le paiement est, à l’opposé, l’utilisation d’un objet, d’une personne ou d’un élément apparu précédemment dans l’histoire.

Les limitation du fusil de Tchekhov en jeu de rôle

Contrairement aux romans, films, séries (etc.) qui sont des œuvres dont le début et la fin sont déjà prévues par le scénariste, l’histoire narrée en jeu de rôle n’a pas un déroulement linéaire certain. Les joueurs influent tout autant (et même plus) que le meneur sur le déroulement de la partie. Ce dernier peut, certes, guider le cheminement, prévoir des rebondissement et des événements à l’avance ; mais même le plus linéaire des maîtres du jeu ne peuvent tout guider.
De fait, le fusil de Tchekov en tant qu’ensemble ne peut guère être utilisé : en jeu de rôle, la préparation n’aboutit pas toujours au paiement. Cependant, ces deux éléments constitutifs -préparation et paiement- ont une utilité pour améliorer la qualité des scénarios réalisés, si l’on accepte cette incertitude.

De l’utilisation du paiement, par le meneur

Commençons par l’aboutissement du fusil de Tchekhov, le paiement, et son intérêt narratif. Agissant comme l’opposé du Deus Ex Machina – l’élément utilisé n’apparait pas soudainement dans la narration mais a déjà été une composante de celle-ci -,  la prise en compte – ou l’oubli – de cet élément est entièrement du ressort des joueurs. Ils ont celui-ci entre les mains et c’est à eux de le prendre en compte, ou non, pour leurs projets.
La réutilisation de cet élément n’est donc pas une surprise et le joueur a ainsi le sentiment que l’histoire a une cohérence, une logique interne. Mieux, le paiement permet de relier des événements, des détails entre eux, donnant une profondeur à l’histoire…

De l’utilisation du paiement, par le joueur

Il est aussi possible de préparer le paiement, non pour l’un de de ses personnages, mais pour ceux des joueurs. Leur laisser une sortie de secours discrète pour un futur scénario, par exemple.
Cela permet d’éviter de devoir sauver vos joueurs en ajoutant des éléments imprévus. Si vous suspectez qu’une partie de votre scénario est difficile, préparez-la. Donnez des éléments à l’avance, que les joueurs savent à quoi s’attendre et ils prendront (peut-être) le paiement que vous aviez prévu.
Bien amenés, le paiement peut offrir au joueur la sensation d’avoir fait ce qu’il fallait, d’avoir été « bon ».

Le joueur prend son paiement

Le paiement n’est pas forcément, d’ailleurs, prévu par le meneur. Un joueur peut décider de lui-même d’utiliser un élément précédemment décrit. Ce cas de figure est tout autant un avantage pour le jeu et démontre même d’un bon déroulement du jeu : les joueurs sont suffisamment attentifs pour réutiliser des éléments passés.
Les meneurs les moins confiants pourraient, éventuellement, se trouver déstabiliser quand le joueur prend son paiement : la situation n’était pas prévue. C’est pourtant, au contraire, quelque chose qui devrait les réconforter : ils sont suffisamment doués pour que les joueurs se rappellent de menus détails.

De l’utilisation de la préparation

La préparation est tout aussi importante que le paiement. La description des éléments, leur agencement les uns avec les autres, la logique interne de chaque chose(, etc.) permettent de donner une vie à l’univers.

La préparation peut être résumée à la description détaillée des lieux que les personnages sont censés visiter de nouveaux et des personnages ayant une implication dans l’intrigue.

Cette description doit être suffisamment détaillée pour vous permettre d’effectuer une ou plusieurs préparations : le fusil sur la cheminée, le presse-papier en marbre sur la table et le vase en porcelaine à l’entrée sont autant d’objets dont la disposition peut s’avérer importante pour une effraction ou une confrontation physique future.
Évitez, évidemment, de souligner uniquement ces objets précis mais veillez à ne pas, non plus, en faire trop. Dans un cas, les joueurs risqueraient de se focaliser sur ces objets et leur accorder plus d’intérêt qu’ils n’en ont réellement ; mais dans l’autre noyer les joueurs dans des descriptions longues et alambiquées risquent de leur faire perdre pieds et de leur faire oublier l’existence de ces objets.
Il faut rester parcimonieux : point trop n’en faut.

Un bon scénario de campagne doit toujours préparer quelque chose pour la suite. Le fait de réutiliser, trois, quatre, cinq (ou même plus) séances plus tard, des éléments évoqués plus tôt permet de créer une sensation de monde cohérent. Bien amenés, ils peuvent même donner l’impression d’un monde ouvert alors qu’en réalité, les joueurs ont été guidés dans une direction bien précise par le meneur.

Effectuer des préparations rétroactives

Le paiement, quand il abouti, est un appui notable pour le meneur pour amener ses joueurs à se prendre à l’histoire, à s’immerger dans celle-ci. Mais comme nous l’avons déjà vu, la non-linéarité d’une histoire en jeu de rôle ne permet pas d’assurer  qu’une préparation amène à un paiement. Il se peut donc que les éléments préparés ne puissent pas être réutilisés.

Comment, dans ce cas, essayer de profiter des éléments positifs du paiement quand les diverses préparations n’ont pas abouties ?
La solution vient des joueurs : profitez de leurs descriptions, profitez de leurs explications, demandez leur des détails sur leurs actions… et piochez dans celles-ci des éléments pertinents et réutilisables.
En intégrant ces éléments, que vous n’avez pas préparés vous-même, à votre histoire vous obtenez autant de paiements potentiels.

Attention, cependant, ces éléments ne font pas partie directement du monde initial dans lequel vous comptiez faire évoluer les joueurs, ce sont des ajouts. Aussi pertinents soient-ils, ne vous laissez pas emballer : les joueurs n’ont pas les secrets de l’intrigue que vous possédez. Faites alors attention à ne pas détruire la cohérence de celle-ci intrigue en rebondissant de manière irréfléchie sur une idée lancée autour de la table.
L’intégration de ces éléments extérieures doit être parcimonieuse : suffisamment pour intégrer les personnages-joueur à l’univers, mais point trop afin de garder le contrôle de l’intrigue.

La prochaine fois, nous parlerons du Deus Ex Machina.

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De l’utilisation du MacGuffin en JdR

Qu’est-ce que le « MacGuffin » ?

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Le concept du MacGuffin a été inventé ou, au moins, conceptualisé par Alfred Hitchcock. Le maitre du suspense en personne qui théorise un concept, l’argument d’autorité n’est pas loin pour dire qu’il s’agit certainement d’un concept indispensable en jeu de rôle !

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Les femmes artistes dans le jeu de rôle : interviews

Je m’intéresse beaucoup à la question de l’égalité entre hommes et femmes ; j’ai, comme tout le monde, remarqué que le monde du JDR est majoritairement masculin, en ce qui concerne les joueurs, mais aussi les auteurs, voire les artistes en général.

J’ai donc décidé de proposer une interview aux auteures (ainsi que de façon plus générale, à toutes les artistes liées au JDR) pour leur demander des retours sur leur expérience, sur leur ressenti en tant que femme dans un monde rôlistique très masculinisé. Au final, j’ai écrit les questions auxquelles je vais moi aussi répondre.

J’attends encore quelques interviews que je rajouterai au fur et à mesure.

 

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Jouer une femme dans un jeu de rôle

Dans « Ladies », nous encourageons l’utilisation de personnages féminins. Il ne s’agit que d’un encouragement, non d’une obligation, mais c’est le point sur lequel tout joueur, surtout masculin, se focalise. Très souvent, et même auprès de très bons rôlistes, le réflexe d’un homme est de répondre : « je ne sais pas si je saurais jouer une femme ».

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