The superstars, anticipation: Big brother

 

georgeorwellxobeygiantprintset-1984coverbyshepardfairey

Je ne vais pas vous faire l’affront de rappeler que le personnage est tiré de 1984 d’Orwell, livre qui, comme son nom l’indique, date de 1949. C’est ce qui est magique avec la vieille sf et la vieille anticipation: c’est le futur du passé.

Je ne pouvais pas parler des monstres sacrés sans parler de lui. Rappellons les classiques: Big brother est partout. Il a des yeux et des oreilles dans chaque mur. Il voit tout, entend tout, sait tout et punit tout. Big brother ne ment pas: il décide ce qu’est la vérité et efface toute trace de ce qu’elle aurait pu être d’autre.C’est un personnage assez difficile à saisir vu qu’on ne le voit jamais en personne. Tout ce qu’on sait de lui, c’est ce qu’on en comprend à travers d’autres qui le vénèrent, le haïssent, l’aiment, le craignent et le fantasment, souvent un peu de tout ça à la fois. Du coup, ça fait de lui un personnage assez intéressant à étudier parce qu’à travers lui et les dictateurs qui lui ont servi de modèle, on peut apprendre quelques leçons importantes sur les émotions humaines et leurs fonctions.

L’interprétation des émotions et des pensées, c’est finalement surtout une affaire de croyances. Mes croyances, parce qu’il faut bien en choisir, me poussent plutôt du coté de la psychologie évolutionniste dont le credo est, en gros, de dire que notre cerveau et nos émotions ont évolué pour la même raison que tout le reste: pour la survie de l’espèce d’abord, et de l’individu dans la mesure où il sert l’espèce. Nos cœurs ne sont pas plus fait pour la justice que nos esprits pour la vérité, ils sont juste adaptés à la survie de l’espèce. La justice et la vérité sont utiles dans la mesure où elles aident à survivre, et nuisibles sinon. Du coup, même les comportement absurdes en apparence comme le syndrome de Stockholm, le déni, le masochisme, le désir morbide, la violence gratuite, les croyances irrationnelles etc deviennent assez facilement explicables ; l’amour et la vénération qu’inspire Big brother aussi.
Face à une menace, notre instinct est sensé nous guider vers l’option la plus viable. Si c’est la fuite, comme pour un gros prédateur, il va nous faire ressentir de la trouille. Si c’est le combat, comme pour un rival amoureux, de la colère. Si c’est la soumission, comme pour un mâle dominant agressif, de l’amour et de la vénération. Or, Big brother est un archi-super-extra-méga mâle dominant agressif. C’est un dieu en fait: il tient nos vies entre ses mains et on ne peut ni le fuir, ni le combattre ni s’en cacher. Tout ce qui reste à faire, c’est de se mettre à quatre pattes et de lui baiser les pieds des fois que ça lui donne envie d’aller plutôt massacrer quelqu’un d’autre. Toutes les atrocités qu’il a pu commettre, tout ce qui pourrait nous amener à le haïr est automatiquement censuré ou justifié.

L’aliénation va tellement loin qu’elle fait haïr au peuple les moyens par lesquels il pourrait prendre conscience de son état et se soulever.
Parce que la force seule ne suffit jamais longtemps, même un système ultra-répressif a besoin de démagogie et il n’y a pas de bonne démagogie sans un bon méchant. D’ailleurs, la quasi totalité des discours démago peuvent se résumer à « Ayez peur de ceci et/ou détestez cela, et ralliez-vous à moi qui suis la solution. » C’est valable pour les discours idéologiques, politiques, religieux, et même pour une vulgaire pub de yaourt. Vous vous rappelez cette pub dans un musée avec des os de dinosaure où une espèce de… maîtresse SM en tailleur (??) nous expliquait que sa mémé s’était pété le col du fémur parce qu’elle bouffait pas assez du yaourt Calin ?
Et quand on s’appelle Big brother, qu’on a une police de la pensée et qu’on peut tout se permettre, on va carrément faire notre Satan de service, ou plutôt notre Trotski de service dans le contexte, le mec qui cherche à informer la population. On pousse même le vice jusqu’à organiser des séances de haine obligatoire de deux minutes par jours pendant lesquelles on passe une vidéo de ce type-là en train de dire la vérité, et où tout le monde doit lui gueuler dessus. A quelques rares exceptions, la haine qu’ils éprouvent est sincère. Non seulement l’ennemi de leur maître est leur ennemi, mais dans un contexte où leur survie dépend de leur aveuglement, celui qui voudrait leur ouvrir les yeux est un danger mortel à haïr.
Et…. je ne peux pas en dire plus sans spoiler la fin.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *