Les monstres sacrés et leurs contrefaçons (introduction)

Superman Returns

Si pour vous, le mot « vampire » évoque une boule à facettes sur pattes, « Loup-Garou » un groupe de chip N’ dale torse nu et Frankenstein un gros bestiau titubant qui fait greuh greuh; si vous imaginez Van Hellsing avec un chapeau de cow boy, des fioles d’eau bénite en bandoulière et une arbalète à répétition, si vous pensez que Mr Hyde fait trois mètres de haut, une demi tonne et soulève une voiture comme une brindille, si vous pouvez facilement imaginer Sherlock Holmes et Arsène Lupin botter des culs par dizaines avec leurs petits poings crispés; si vous imaginez que le surhomme portera une cape, des collants et son slip par dessus, alors vous souffrez probablement, comme une majorité d’occidentaux modernes, de l’hollywoodite, la contrefaçon des références culturelles par le cinéma grand public.Le fossoyeur de films avait fait une vidéo délicieuse dans laquelle il pointait du doigt le traitement caricatural que le cinéma Mainstream faisait subir à la mythologie, avec les pectoraux huilés, les jupettes et les discours va-t-en guerre, mais finalement, on peut en dire autant de n’importe quelle source littéraire dont il s’empare. D’où la nécessité d’entendre un peu reparler du mythe d’origine pour savoir de quoi on part pour en arriver à quoi.

Alors déjà, avant qu’on me prenne pour un littéraire snobinard et méprisant, précisons un peu de quoi je cause quand je dis « contrefaçon ».

Quand on s’inspire d’une œuvre pour en créer une autre,  on peut soit en reprendre la substance, soit en reprendre la forme.
Mettons que vous vouliez vous inspirer de Superman. Si vous aimez réellement Superman ( auquel cas je ne peux pas vous comprendre mais bon, j’accepte), vous avez compris quelle en était la substance: celle d’un surhomme extraterrestre issu d’un monde plus savant et plus évolué, et venu sur terre pour protéger et guider les humains vers la prochaine étape de leur évolution culturelle, soit l’équivalent SF d’un ange bienfaiteur descendu du ciel pour combattre le mal. Vous êtes un artiste ambitieux, intelligent et qui a foi en l’intelligence de son public; vous allez donc vous inspirer de Superman au niveau subtil de sa substance.
Cette substance, vous allez pouvoir l’appliquer à ce que vous voulez: un rescapé de l’Atlantide, un ange, un homme du futur, un moine Tibétain… Vous pouvez même inverser les rôles et écrire une histoire colonialiste sur un astronaute américain ou un navigateur britannique venu apporter la culture occidentale à des « étrangers tous plus ou moins barbares » (Brassens).
Non seulement votre Superman aura un look différent, mais il pourra aussi être porteur d’un message différent. Vous allez pouvoir offrir d’autres réponses aux questions que posent l’idée d’un surhomme tombé du ciel:

En quoi consiste vraiment sa supériorité?  Est elle seulement réelle? Se sent-il vraiment si proche des humains? Leur veut il vraiment du bien et pourquoi? Comment réagiront les humains face à ce héros autoproclamé d’une humanité qui, après tout, ne lui a rien demandé? Vont-il l’acclamer, lui demander de l’aide ou au contraire, lui dire de s’occuper de ses oignons? Peut-il vraiment nous apporter quoi que ce soit que nous ne puissions obtenir par nous-mêmes?
Autant de questions auxquelles les auteurs de Superman apportent LEURS réponses ; vous allez pouvoir et devoir présenter les vôtres, semblables ou différentes.

Maintenant, imaginez que vous preniez votre public pour des cons ou que vous soyez con vous même. Vous vous dites en toute bonne foi que si les gens aiment Superman, c’est certainement pas à cause du message auxquels ils n’ont de toute façon rien compris. C’est à cause des biscottos, des collants, des slips, des castagnes et des super-pouvoirs. Vous en déduisez que vos cons sont fétichistes des collants et des slips, et vous bricolez un nouveau super héros avec des collants et des slips qui vole, qui est super fort et qui tape sur des méchants. Pour qu’on comprenne bien la référence, vous allez l’appeler Supermec ou Hyperman, voire reprendre carrément le nom d’origine si vous avez assez de pognon ou si c’est libre de droits.
Vous avez fait une contrefaçon.

Ceci étant précisé, j’en viens à mon sujet. A tout saigneur tout honneur, on va commencer par l’empaleur des Carpates et ses chers ennemis.

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